ZOA, un festival de danse qui déjoue les habitudes
Zone d’Occupation Artistique de son plein nom, le festival parisien des formes imprévisibles présente sa 7e édition, avec quatre créations et deux premières françaises. Et on fera bien de se défaire de toutes notions habituelles sur la danse, le théâtre ou la performance. Car cette Zone d’Occupation ne jure que par la liberté.
ZOA n’est pas un festival comme les autres. C’est un terrain pour découvreurs, sur les pas de sa fondatrice Sabrina Weldman, grande défricheuse du paysage chorégraphique et performatif. La zone en question est donc vaste et en même temps sondée en profondeur. Dès ses débuts, ZOA affichait une signature bien définie, d’une précision paradoxale.
Une Zone d’Occupation pour esprits en liberté
Sabrina Weldman a réussi à positionner ZOA à un endroit singulier du paysage, en allant sur un terrain où aucune définition ne tient, le plus souvent dans un entre-deux des genres, dans cette sphère qu’on appelle « indiscipline ». Ce n’est donc pas un festival de danse, mais un espace de recherche, où la danse est traversée par d’autres arts, ou inversement, jusqu’à inventer de nouveaux espaces artistiques.
Weldman a créé une zone d’accueil pour artistes émergeants qui bousculent nos façons de voir la danse, et même le spectacle vivant en général, pour encourager les formes hybrides, l’invention et la prise de risque, la remise en question des genres (humains ou artistiques) et la transgression de tabous. Aussi, si l’édition 2018 prend pour thème général l’altérité, le terme s’applique à la fois à la forme des propositions artistiques et à leur contenu.
Bousculer les habitudes
Elle se déroule du 12 au 31 octobre, dans les salles les plus diverses, investissant les Théâtres de la Reine Blanche et de l’Etoile du Nord ainsi que des salles incarnant un esprit plus indépendant, comme la Générale, Point Ephémère et le Regard du Cygne. Et le nomadisme sied bien à une manifestation qui s’inscrit dans le refus de l’habitude et la mobilité de l’esprit.
Par contre, on s’est habitué à certains artistes qu’on a vu émerger à ZOA et qui ont depuis pris leur envol, jusque dans le In du Festival d’Avignon, comme Mohamed El Khatib ou Gurshad Shaheman. Et bien qu’il s’agisse d’une zone résolument low-budget, ZOA accompagne certains artistes puisque c’est ici qu’ils peuvent expérimenter de nouvelles idées pour de nouveaux espaces.
A La Générale : Vincent Lacoste
L’un d’entre eux est Vincent Lacoste qui ouvre ZOA à La Générale, avec une proposition entre danse et arts plastiques. Slow torments, exposition de corps tourmentés joue autour de la frontière entre la vie et la mort, le spectacle et l’exposition, la danse et les arts plastiques ou encore entre chute et élévation. Le 12 octobre. 14, av Parmentier. Entrée libre !Suivi d’un pot avec les artistes.
Au Théâtre de la Reine Blanche : Léa Leclerc et Julie Knittl
Au Théâtre de la Reine Blanche, Léa Leclerc et Julie Knittl vont créer Paul, un duo scénique et chorégraphique autour d’un homme que le spectateur a tout loisir d’imaginer, pour s’interroger sur la place de l’individu dans le monde actuel. Dans la même soirée, Ana Paula Gusmao présente, avec Palma, une raillerie sur le flamenco, où elle se jette dans les rires et les pleurs jusqu’à ce que les deux deviennent impossibles à distinguer. Le 17 octobre. 2bis, pass. Ruelle, 75018.
A Point Ephémère : Nicolas Turicchia
Pourquoi ne sais-tu pas marcher dans la neige? est une question adressée par Nicolas Turicchia à son propre père. Ensemble, ils signent une performance entre autobiographie, reportage, performance et histoire familiale où figurent des vidéos tournées au Maroc et en Super 8 par le père, entre 1970 et 1985. Le 26 octobre. 200, quai Valmy, 75010.
A l’Etoile du Nord : Sun- A Lee et Cie Caminante
Il y a trois ans, la chorégraphe coréenne Sun-A Lee s’est produite comme comédienne, dans un court-métrage cinématographique sans l’ombre d’une pensée pour la scène. Elle crée pourtant aujourd’hui un dialogue entre ce film et le plateau, où elle interprète le même personnage à l’écran et à la scène. Dancing Dance for me n’est donc ni tout à fait une séance de cinéma ni tout à fait un spectacle, mais une « projection chorégraphique ».
En seconde partie, on retrouve Men’s Day de Maria Montero et Ana Paula Gusmao qui codirigent la Compagnie Caminante. ZOA reprend ce spectacle très étonnant, en raison des troubles profonds qu’il avait su produire dans l’édition 2017, faisant vaciller les frontières entre le féminin et le masculin. Le 30 octobre. 16, rue Georgette Agutte, 75018.
Au Studio Regard du Cygne : Maria Eugenia Lopez
La proposition la plus pure, en termes de genre, de toute cette édition de ZOA est sans doute Piel de Maria Eugenia Lopez qui interroge, dans ce duo chorégraphique, les interdictions ou permissions implicites qui font partie des codes sociaux propres à chaque culture, définissant les interdits concernant la possibilité de toucher l’autre lors d’une rencontre ou d’une conversation : Un duo à fleur de peau! Le 31 octobre. 210, rue de Belleville, 75020.
Thomas Hahn
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